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Tasio, passation d'une mémoire.

Dernière mise à jour : 29 mai

Tasio, Montxo Armendáriz, 1984


Voir un "Classic" à Cannes c'est avant tout assister à une passation. Un échange entre le spectateur contemporain et les gardiens du temple. Aujourd’hui, comme à son habitude, c'est Thierry Frémaux lui-même, qui, jamais essoufflé de monter les 5 étages du Palais, vient nous présenter le film, sourire au lèvre, ce sourire du cinéphile vétéran venant présenter un chef-d'œuvre méconnu du cinéma. Accompagné de lui, le réalisateur du film Montxo Armendariz. Corps vieillissant, barbe grisonnante, c’est avec une émotion non dissimulée qu’il s’avance pour présenter son film. Comme son personnage Tasio, le temps a eu ses effets sur lui. Sentiment palpable d’assister à une ultime transmission, comme s'il venait passer le flambeau de son trésor, qu’il était maintenant à nous de le chérir et de continuer à le faire vivre dans le temps.

Parler de ce film c'est avant tout parler de sa conception ; qu'est-ce qui a poussé son auteur a raconté l'histoire de Tasio ? Donnant son nom au film, ce personnage aurait véritablement existé selon les dires du réalisateur. Et leur rencontre aurait donné envie de documenter sa vie à travers une fiction.

Il est intéressant comment la temporalité et la transmission sont déjà au cœur du film. L’intrigue se développe sur un temps long, dont notre héros Tasio, le subira au plus profond de sa chair. Ce qui nous frappe d'ailleurs, ce sont les ellipses temporelles qui viennent appuyer ces ruptures dans le temps. Rien ne nous les annonce, peut-être pour souligner la fragilité de leur vie,, de leur récit, que malgré l'attachement qu'on a ce qu'on voit, le réalisateur peut nous l’enlever tel un démiurge planant au-dessus du film. Un temps long qui souligne de plus la futilité de notre matérialité, qui vient effacer les vieux remords d'antan, met à mal les barrières sociales qui étaient plantées là.

Mais ce temps est aussi vécu dans le même lieu tout au long du film. Un village isolé de la campagne basque où tout le monde se connaît. C’est tout ce qu’il y a, toute la réalité de Tasio se concentre ici. Tout son univers est cloisonné, où qu’il regarde à l’horizon il y aura toujours des montagnes au loin, une nature qui contamine tous les plans, comme une prison à ciel ouvert, où tous les prisonniers devaient cohabiter malgré eux.

Les mines de charbon, seule moyen pour Tasio et d’autres de rester vivre dans ces collines, incarnent véritablement cette idée de cloisonnement. Symbole du rapport ambigu qu'entretient le personnage avec la nature. Où cette dernière est mise à profit. Le seul moyen de vivre dans cette nature serait de l'exploiter.


Un film profondément bouleversant sur le temps les corps et les âmes. Mais arrivé au bout du voyage, la nature , elle, est la seule chose qui demeure.


Théo Dixmerias

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