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Les Parapluies de Cherbourg : les couleurs des jours de pluie et du ciel bleu

Pour être honnête, je serais la première personne à dire que je n’aime pas les comédies musicales, sauf exceptions. Les scènes de musique me tiraillent et je suis trop impatiente, alors que j’aime beaucoup en écouter. Récemment, j’ai essayé de me réconcilier avec elles. Il m’a donc semblé nécessaire de voir l’immense classique qu’est Les Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy, que Rosalie Varda décrit comme “un cinéaste radical enchanteur, et enchanté”. 


Aussitôt que le film commence, une douce musique annonce une séance de poésie mais aussi de tristesse. Un plan long sur un fleuve, puis nous entrons dans le premier temps, qui confonds bonheur et déchirement : “le départ”. 

Les Parapluies de Cherbourg, c’est un film en trois actes mais chacun de ces trois actes se suivent d’une façon fluide et logique. Ils nous montrent qu’une relation a des étapes, et que parfois s’aimer ne change pas la donne. Ces trois parties donnent une dimension théâtrale permettant de rythmer le film au gré de ses mélodies, changeantes mais pas si différentes. 


La musique, qui aurait pu sembler lassante comme cela a été le cas pour moi avec d’autres films, ne m'a pas du tout laissé ce ressenti ici. Les mélodies de Michel Legrand décrivent parfaitement cette histoire d’amour colorée, aux milles nuances. Elle nous donne des frissons, et nous donne l’impression que les émotions traversent l’écran pour atteindre notre cœur, pour le briser ou le raffistoler. 


"Guy (parlant de l'Algérie dans sa lettre à Geneviève) : Hier soir une patrouille est tombée dans une embuscade et trois soldats sont morts. Je ne crois pas pourtant que le danger ici soit grand, mais, c'est étrange, le soleil et la mort voyagent ensemble."

Mais c'est aussi une histoire d’amour touchante et réaliste. Car si les dialogues enchantés nous laissent penser que tout est idéalisé, la fin nous prouve le contraire. Parfois, la vie nous revient en pleine face, mettant fin à tout ce que nous avons pu espérer auparavant. Il y a ici la guerre d’Algérie, à cause de laquelle Guy doit partir, un contexte qui ne veut rien d’autre que la déchirance et la réalité. Comment serait-il possible de nier l’aspect dévastateur de cette guerre ? Les Parapluies de Cherbourg ne sont qu’une constatation que l’amour, certes, est plus fort que tout mais aussi qu’aimer, c’est accepter que nous ne sommes pas les maîtres du destin. Celui-ci se met parfois sur notre chemin car la vie continue, les événements s'enchaînent, et nous ne pouvons qu' attendre et observer, comme le montre la deuxième partie : “l’absence”, représentation parfaite du manque. 


Je ne pourrais pas parler d’un film de Jacques Demy sans faire une éloge des couleurs de son œuvre, qui pourraient tout droit sortir d’un conte féerique. Nous savons que les comédies musicales classiques se démarquent souvent par leurs couleurs éclatantes et joyeuses, mais celles de Jacques Demy sont une tout autre gamme. Elles se confondent au récit. Elles sont porteuses de sentiments, d’imagination et de sens. Alors que Geneviève dit au revoir à Guy sur le quai de la gare (une scène marquante, dont je me souviendrai toute ma vie), les couleurs deviennent ternes, signe d’une séparation déchirante et annonçant finalement la fin de leur relation. Bleus, jaunes et roses se confondent aux teintes grises et assombries montrant la guerre, la grisaille. Mais nous suivons aussi les deux amoureux au fil des saisons, alors que la neige tombe dans la dernière partie nous comprenons qu’une année se finit avec l’hiver, et ce film se finira lui aussi avec l’hiver. Mais cette saison est aussi le commencement d’une année, elle marque donc une transition vers autre chose, une autre vie, un autre futur, que ce soit pour Geneviève ou pour Guy. 


De plus, Catherine Deneuve est merveilleuse dans son rôle de Geneviève, jeune femme affirmée et moderne. Son amour pour Guy ne la retient pas, malgré sa tristesse à son départ. Elle sait ce qu’elle veut, accepte le cours de la vie et surtout choisit ce qu’il y a de mieux pour elle. En tant qu’actrice principale, elle brille et grandit en femme consciente de la réalité et sure de soi. 


"Madame Emery : Qu'as-tu fait ?
Geneviève : Maman ! Il s'en va, il part pour deux ans. Je ne pourrai pas vivre sans lui. J'en mourrai.
Madame Emery : Ne pleure pas ! Regarde moi. On ne meurt d'amour qu'au cinéma."

Dans Les Parapluies de Cherbourg, Jacques Demy fait une lettre d’amour au cinéma et à la musique. Et on ne peut qu’en tomber amoureux nous aussi. De plan en plan et au fil des dialogues chantés, nous ressentons l’exaltation du premier amour et la douce tragédie amoureuse. Chaque images, plus belles les unes que les autres, nous donnent envie de les capturer dans notre esprit pour les voir à jamais. Je dois avouer que, si ma vie pouvait ressembler à un film, j’aimerais que ce soit un film de Jacques Demy. 



Clara Yon


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