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Miyazaki et le Héron : Des millions de rêves pour une vie

    Hayao Miyazaki et le Héron (ou 2399 Days with Hayao Miyazaki & Studio Ghibli) est assez spécial comme film, partagé entre le biopic partiel qu’il se présente comme et le genre du making-of auquel il semble plus ressembler, il s’agit d’une oeuvre qui dépeint la vie du légendaire artiste Hayao Miyazaki sur la période de conception et création de son plus récent long-métrage de 2023 : Le Garçon et le Héron / Et vous, comment vivrez-vous ? Ce n’est là pas le premier travail autour de l’homme de la part de Kaku Arawaka, bien au contraire. Avec Never-Ending Man : Hayao Miyazaki (2016) et la mini-série 10 ans avec Hayao Miyazaki (2019), deux grands documentaires qui ont aidé à ériger le mythos Miyazaki, le réalisateur de documentaires continue sa série qui nous invite dans les coulisses d’une vie, d’un homme et d’un studio.



    La première chose louable sur le film est son montage. Il n’est pas rare que les documentaires, comme constaté avec tous les autres diffusés durant le Festival, aient un mode de montage particulièrement dynamique pour donner le sentiment de remonter l’histoire du sujet, puisqu’ils le narratif n’est de toute façon pas transmis de la même façon qu’avec les longs-métrages classiques. Mais je le considère quand même comme à un niveau au-dessus ici. Beaucoup d’extraits de films Ghibli sont ici utilisés pour agrémenter les séquences bien entendu, mais il n’est pas juste question de rajouter du matériel visuel sur lequel étendre la bande-son de tel ou tel dialogue. Chaque extrait est souvent à propos, juste dans son contexte et m’a vraiment paru pertinent, bien plus nécessaire qu’un rajout plaisant. Et cela se rattache avec l’une des nombreuses problématiques/combats que l’on attribue à Miyazaki-sama ici : la fusion de son monde imaginaire avec la réalité. En effet ce film aborde plusieurs points cruciaux sur la psyché de l’artiste mais tous réunis sous une même thématique. Le temps a passé, et le monde dans lequel il s’est battu, a grandi, et s’est familiarisé avec est en train de disparaître, lui-même inclus. Une grande portion du documentaire rend hommage au défunt Isao Takahata, dit «Pak-san», autre grand créateur de la lignée de films Ghibli, rival et ami à parts égales de Miyazaki et surtout présenté comme peut-être le modèle même d’Hayao, la personne qu’il inspirait à égaler et impressionner jusqu’à la fin, une relation montrée en détail grâce à de nombreux images d’archives et qui m’a profondément touché. L’idée que tout Maitre puisse avoir son modèle malgré tout, et voir à quel point Pak-san importait pour Miyazaki-sama, au point qu’il se sente à la fois supporté et tourmenté par sa présence spirituelle tout au long de la création du Garçon et du Héron et le chagrin que cela révèle, se lie pour profondément toucher le public et nous faire respecter d’autant plus cette relation méconnue dans les coulisses du studio.



    Car c’est là quelque chose de réellement impressionnant qui est présenté dans le film. Miyazaki a une certaine réputation et image de cynique dans l’esprit publique et il me semble que ce film contribue à déconstruire, ou du moins remettre en contexte cette image. Voir la vie jour après jour de Miyazaki, anniversaire après anniversaire même enchaînant les pertes et les problèmes, découvrir les véritables inspirations du Héron et sa collaboration avec les autres esprits brillants du studio est terriblement fascinant et nous aide à voir de manière plus cohérente sa vision des choses. L’idée que le monde est en lui-même cruel et méchant mais on peut y survivre avec des choses comme des proches affectueux, des moments doux, des vies qui ont un sens. Un angle prolongé dans les messages plus silencieux du film, en montrant comment l’homme préfère le calme de son chez soi au reste de l’industrie, la simplicité et beauté du monde qu’il connaît à celui qui le vénère. Les séquences de natures et ses interactions touchantes avec les enfants de son quartier sont particulièrement touchantes pour cela.



    Enfin un dernier point “narratif” important sur la relation entre Miyazaki et son plus récent film est celui de ce qu’il représente pour lui, non seulement comme son énième annulation de retraite mais pour ce que cela représente. Beaucoup de personnes que l’on voit périr au fil des années de ce documentaire l’encourageaient à faire ce "film de plus", comment il a canalisé l’esprit des gens qu’il connaît et ceux qu’il a perdu pour former les personnages de cette histoire et ses propres problèmes, reforgés pour devenir les thématiques principales du film, ce qui apporte à quiconque verra ce documentaire une vision nouvelle sur Le Garçon et le Héron. Dans les deux cas, c’est une ode à la jeunesse et aux aventures d’un temps mais aussi au futur, à se préparer pour ce que l’on deviendra et simplement, qu’on le veuille ou non, oublier ces temps-là et grandir. Et cela, nous explique le documentaire, est une autre retranscription du combat de Miyazaki et des leçons qu’il veut transmettre. Enfin, peut-être est-ce même les choses telles qu’il les voit vraiment à présent. En tout cas cette œuvre nous confirme que Miyazaki ne dément pas son titre de Never-Ending Man que Arawaka lui avait déjà attribué. Et à l’heure qu’il est, l’homme est encore en train de travailler sur sa prochaine œuvre… La dernière chose que Miyazaki nous enseigne, par ses propres mots est que dans ce fichu monde imparfait, il ne faut pas craindre la mort. Accepter que l’on est peut-être tous un peu mauvais et imparfaits et arriver à vivre heureux et à faire le bien malgré cela. On ne peut juste rien y faire. Ce qui serait vraiment bien pourtant, c’est que l’on puisse tous mourir avec le sourire aux lèvres.



- Antonin Cendre

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