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Les 7 Samouraïs : Quand une fresque historique devient une fresque de cinéma

1980, voilà déjà 5 ans que le réalisateur japonais Akira Kurosawa n'a pas réalisé de long métrage depuis Dersou Ouzala en 1975. Habitué à la production de films presque tous les ans, cette fois-ci de longues attentes se construisent entre ses projets suite aux désistements des studios perdant petit à petit confiance envers l'emblème du cinéma nippon. Mais c'est en 1980, durant le festival de Cannes ici-même où j'écris ces lignes que Kurosawa revient, cette fois-ci aidé du producteur Georges Lucas, avec son projet titanesque : Kagemusha, l'Ombre du Guerrier. Palme d'Or de cette année, ce film fut ma découverte du cinéma de Kurosawa. Je fus fasciné par sa mise en scène, son propos sur l'être humain, ses plans proches de la peinture. Et ce fut ma première découverte d'un genre beaucoup plus vaste dont Kurosawa était le maître : le jidai geki. Mais pour mieux comprendre Kurosawa et son influence sur le jidai geki, nous devons nous attarder sur l'un des ses premiers chefs-d'œuvre. Le film qui marquera son style, le cinéma japonais et le cinéma mondial, Les 7 Samouraïs.


Réalisé en 1954, le film nous présente un village assiégé par une horde de bandits. Les habitants décident alors d’engager 7 samouraïs afin de les protéger de ces terribles oppresseurs. Durant la genèse du projet, Kurosawa accompagné de son scénariste Shinobu Hashimoto firent un grand travail de recherche sur la période féodal du Japon et tout particulièrement à propos des samouraïs. Leur code, leur quotidien, leur technique. L’idée initiale était de réaliser un film sur le quotidien d’un samouraï durant une journée mais faute d’information le projet fut avorté et relégué au réalisateur Masaki Kobayashi ce qui deviendra Hara-Kiri en 1962. Kurosawa et Hashimoto continuèrent leurs recherches et commencèrent un projet sur les techniques et la perfection des samouraïs et de leurs arts martiaux. Mais c’est en découvrant les histoires de samouraïs financés par des villageois pour les défendre qu’ils trouvèrent la base de leur scénario.


Les 7 Samouraïs devient un emblème du cinéma japonais et particulièrement du cinéma d'action. La manière qu'a Kurosawa de filmer ses affrontements, ses combats de sabre, tellement novatrice pour son époque, créant un chaos imperceptible pour le spectateur ne pouvant parfois que s'imaginer l'horreur se déroulant sous ses yeux. On doit ces affrontements à l’une des avancées majeures du chef d'œuvre de Kurosawa : l'utilisation de 3 caméras en même temps pour filmer les scènes de batailles. Apportant ainsi un certain dynamisme aux combats par les différents changements de point de vue et en permettant de les voir sous des angles encore jamais vu auparavant.




Avec Les 7 Samouraïs, Kurosawa pose la pièce maîtresse d’un genre propre au Japon : le jidai geki. Ce sont des films se déroulant durant la période du Japon féodal, avant 1868. Les 7 samouraïs s'impose comme la référence d'un sous genre appartenant au jidai geki : le chambara, les films de combat de sabre. Le chambara est cher aux yeux de Kurosawa de par son passé familial, sa famille faisant partie d’une longue lignée de samouraï. Ce genre est très inspiré du théâtre japonais traditionnel et le cinéma de Kurosawa porte une grande inspiration de celui-ci et de ses différents styles : le bunraku, le kabuki et le . On ressent particulièrement cette inspiration dans Les 7 samouraïs. Une inspiration d'autant plus visible en voyant l'entracte entre les 2 moitiés du films.


Comment parler des 7 Samouraïs sans parler du plus fou et emblématique d'entre eux : Toshiro Mifune. Une véritable pile électrique, acteur fétiche du cinéaste, que Kurosawa, remet en scène pour une collaboration qui restera gravée dans l'histoire après des films comme L’Ange Ivre ou Rashomon. Il joue ici un « samouraï aguerris » passant de prétentieux et insolant, considéré comme un amateur menteur par ses confrères, à un véritable héro sympathique, rempli de bonté pour ces villageois, dont sa bravoure n'égale que sa stupidité. Et tout cela on le doit au talent et à la palette d'expressions du grand Mifune, avec un visage qui paraît presque malléable à volonté.


Dans Les 7 samouraïs, Kurosawa plonge à travers les vices et les secrets de l’âme humaine. Une sorte de jeu qu’il fit à travers toute sa filmographie. L’étude de l’esprit humain est la principale route qu’emprunte son cinéma. Traitant de la vérité, de l'honnêteté et de l'honneur de l'homme dans Rashomon ou Kagemusha. Ou bien de sa mémoire et de son passé comme dans Rhapsodie en Août. Ici il nous montre toute la bravoure de l'homme, prêt à se battre pour une cause juste, sous fond d'injustice sociale dans un un japon féodal soumis à la misère.


Les 7 Samouraïs fut important dans la reconnaissance du cinéma japonais à l’international grâce à l’obtention du lion d’or au festival de Venise en 1954, le plaçant instantanément au rang des films cultes. Le film influença tellement le cinéma mondial et le cinéma d’action qu’Hollywood ne pu s’empêcher d’en faire sa propre version nommée Les 7 Mercenaires réalisé par John Sturges en 1960, mais cette fois ci sous un angle western (ironique quand on sait que l’emblème du western italien Leone plagiat Yojimbo de Kurosawa pour son film Pour une poignée de dollars.). Mais cette fois-ci la version américaine est presque lissée, particulièrement en donnant une happy ending comme les américains savent si bien le faire: moins de morts, des personnages qui se marient.


Le film de Kurosawa impacta le cinéma mondial et influença un grand nombre de cinéastes japonais même encore aujourd’hui. Comme Kore Eda, réalisateur d’Une Affaire de Famille (palme d’or 2018), Still Walking ou plus récemment Monster. Une grande inspiration se ressentant par l’importance et la forte empathie accordées à ses personnages. Nous nous quitterons sur les mots de Kore Eda faisant la présentation du chef-d'œuvre de Kurosawa avant sa projection au festival de Cannes 2024 :



-Léo Delafontaine

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