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La Rose de la mer : crasse à tous les étages

Un film méconnu de 1946.

La Rose de la mer de Jacques de Baroncelli est l'histoire d'une entourloupe sur fond de navigation : le fallacieux Romain, co-capitaine du Rose de la mer, décide de faire couler son vieux navire pour toucher la prime de l'assurance ; il prévoit ainsi d’en acheter un neuf et d’en être le seul capitaine. Il rassemble un équipage de crapules qui appliqueraient son plan sans discuter . Voilà pourtant un problème : Jérôme, l'autre capitaine du navire, n'est au courant de rien avant l'embarquement imminent. Le duel entre les deux hommes, confinés en mer, est inévitable.





Tâches humaines, tache sur la morale


La restauration 4K du long métrage par la fondation Jérôme Seydoux/Pathé permet d'apprécier les nuances du noir et blanc, riches et contrastées. Au-delà de la convention de l'époque à tourner les films en noir et blanc, l’absence de couleurs primaires habille un film déployant un faux manichéisme dans les situations . En effet, pour Romain et la majorité des membres de l'équipage, la fin justifie les moyens : pour percevoir l'argent et gagner en liberté, il faut obéir au protocole établi par Romain, sans trop réfléchir. Pourtant, face à un nouveau-né, chacun s’attendrit et commence un peu à réfléchir (en vain pour Romain). Jérôme lui , qui invite à bord un matelot honnête, le seul au sein de la bande de filous, tient au respect des lois morales humaines. Il est un peu comme le chevalier blanc du bateau. Et pourtant, la crasse, au sens propre comme au sens figuré, colle aux basques des matelots: la noirceur se mêle à la blancheur d’âme quand la mort qui survient : un décès contre une nouvelle vie puis un meurtre utilitaire pour que quelle que soi la fin, elle justifie l’action. Jérôme fait le choix de tuer. Le chemin du protocole immoral, même pour une cause légitime, est fatalement emprunté par lui.


La Rose de la mer est un un long-métrage aux qualités esthétiques et réflexives certaines. A l’instar du cinéma de Clouzot à la même époque qui remue les esprits, La Rose de la mer est un film qui fait débat, en particulier sur la légitimité à tuer pour faire justice. Voilà une petite pépite oubliée du cinéma français d'après guerre.



Matthieu Alfonsi

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