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"Rendez-vous avec George Lucas" : Nostalgie d'une carrière





“I didn’t know what a filmmaker was. I didn’t know what a producer was, or a director. All I knew was that i wanted to make film and whatever that entail.”



Et des films, il en a fait. En cinquante années de carrière, George Lucas s’est amusé comme réalisateur, scénariste ainsi que producteur. Un cinéma qui continue de séduire et un homme de fasciner, c’est avant de recevoir une Palme d’Honneur que le cinéaste américain nous honore de sa présence dans une masterclass animée par le journaliste Didier Allouch et introduite avec ferveur et cinéphilie par Thierry Frémaux. 





Nombreux de ses films sont tout d’abord présentés dans un captivant montage rythmé des partitions de John Williams, de ses premières réalisations à ses productions de films d’art martiaux ou encore de fantasy, le tout entrecoupé de l'œuvre qui ne fera qu’un avec son nom, Star Wars. Space opera sur fond de corruption politique, la saga s’échappe de l'écran pour intégrer une culture populaire commune à plusieurs générations. Mais quand une œuvre prend tellement de place dans la filmographie d’un artiste, faisant de l’ombre au reste de son travail, comment mener un échange pertinent et global sans remuer ce que tout le monde sait déjà? C’est ainsi devant un public fidèle mais curieux qu’entre en scène le cinéaste aux quatre-vingt bougies.


Allure sympathique et intimidée, presque celle d’un personnage de dessin animé, c’est modestement que Georges Lucas accepte la cascade incessante d'applaudissement que la salle Debussy lui consacre. Le calme revient, l’échange peut débuter. 


En premier lieu, c’est fièrement qu’est abordée sa relation et fidélité au festival de Cannes. Ironiquement, l’unique autre prix qui lui a été décerné sur La Croisette est Le Trophée du Festival en 2005, alors déjà une récompense honorifique. Ses films quant à eux, n’ont été présentés qu’hors compétition au vu de leur proposition ou alors à la Quinzaine des Cinéastes (THX 1138, 1971). Loin de s’en attristé, Georges Lucas chéris cette reconnaissance qui lui est offerte en ayant conscience de ne pas faire “ le genre de film qui gagne des prix”.



“ I don’t want other people to tell me how to make my movies”



Le portrait du cinéaste se dresse chronologiquement, de ses débuts universitaires, à ses succès en festival étudiant, jusqu’à sa rencontre avec son parrain de toujours, Francis Ford Coppola. Plus tard amis et partenaires, c’est ce dernier qui convainc le jeune Lucas, alors “bored to death” par le cinéma Hollywoodien classique et davantage friand d’animation, à poursuivre sa formation en la rendant plus captivante. C’est avant tout un jeune cinéphile au souhait d'indépendance qui ne veut qu’une chose, faire ses propres films: “I’m 25 I can do everything I want”.


L’échange tombe cependant vite dans la facilité, avec des questions habituelles sur un passé déjà assez documenté, notamment sur le groupe révolutionnaire qu'il formait avec F.F. Coppola et Paul Schrader. Spectateurs comme cinéaste s’y perdent, répondant partiellement à côté entre hésitations et répétitions. L’usualité de la question n'encourageant alors pas une réflexion inédite et captivante.







Evidemment,  c’est rapidement sur la science- fiction que s’oriente la conversation et un de ses thèmes récurrent. Le public est curieux, tellement de sujets profonds et divers se détaillent au sein de ses films spatiaux: moralité, pouvoir, espoir, destinée, technologie ou encore rédemption...

Et bien non, c’est la notion de vitesse, désignant la multitude d’engins motorisés et courses poursuites, non pas le travail de mise en scène, qui préoccupe l'interlocuteur, questionnant l’origine de cette obsession. Confus, Georges Lucas la rapproche alors à sa fascination adolescente des voitures et courses, qu’il affectionnait admirer, étant lui -même un piètre conducteur.   



“The fact that people makes money in the money business is a myth! ” [rires]



La question de développement de ses films est particulièrement approfondie, initialement dirigée vers les premiers SW, Lucas ne peut s'empêcher de l’orienter à de multiples occasions vers American Graffiti (1973), dont il semblerait plus entrain de discuter. Il cite alors manque de considération, difficultés à condenser le récit, soucis financier ou encore sa volonté précurseure de développer du merchandising avant même la sortie d’une licence cinématographique.



“Sound is half the movie,and  the least expensive to do.”



Ces multiples questions mettent en lumière une tendance de la carrière de Lucas, les collaborations. Après Francis Coppola et “Steve” Spielberg, c’est maintenant sur le compositeur John Williams que porte notre intérêt. George Lucas avait une vive volonté d'associer un “theme song” à chacun de ses personnages, ce qu’on peut maintenant affirmer comme un vif succès, le tout dans une ambiance des années trente. On lui conseilla alors ce compositeur davantage connu pour ses sonorités jazzy, rendant perplexe le jeune réalisateur. C’est lors de l’écoute de la bande originale avec un orchestre que son choix fut plus qu’une évidence , il avait trouvé la “secret sauce”. Ce dernier affirme alors avec certitude que le succès de la saga repose de moitié sur cette musique, qui plus est pour seulement un quart des dépenses, autrement dit un bon investissement !




“Star Wars ain’t a spaceship movie”



D’accord la composition joue un rôle majeur au succès de Star Wars mais quand est il du reste, comment passe-on d'une série de film à un véritable phénomène populaire ?

Décrit avant tout comme un “serial politic”, ces films s’inspirent en partie de sa vision d’Apocalypse Now qu’il n’a pu réaliser, une satire politique et sociale. Paradoxalement, la saga a selon ses dires toujours été façonnée pour des enfants de 12 ans, se questionnant sur quoi faire et à propos de quoi s’inquiéter, à qui d’autres personnes se greffent par la suite. Face aux reproches, une réponse résonne : “That always was a kid movie”.



Certains irritants, d’autres sous peu représentés, les personnages de SW divisent autant qu’ils fascinent. On aurait aimé des interrogations sur des cas précis comme le duo Anakin et ObiWan ayant fait un retour inespéré sur nos écrans ou encore la récente mise en lumière d’Ahsoka Tano, malheureusement le sujet reste vague et porte sur des ensembles. Problématique toujours actuelle, on lui a souvent reproché la quasi inexistence d’acteurs noirs dans sa distribution. Maladroitement, il réaffirme le caractère involontaire et inconscient de ce choix et fait un clin d'œil amusé à Samuel L. Jackson (Mace Windu) et son unique sabre violet. Quant à l'invisibilité des femmes au premier plan, une contestation évidente pour Lucas: “Who do you think the heroes are !?” . Il remodèle le statut de héros, se démarquant davantage par sa vivacité d’esprit et sa logique que par l’usage d’un sabre laser, une définition qui reste néanmoins bien faible pour caractériser ces personnages féminins iconiques tels que Leia ou Padmé.



“Can you imagine a world without Star Wars? 

-Oh yeah, it almost happened! “



Se détachant depuis plusieurs dizaine années de la saga pour se consacrer à son rôle de producteur, le cinéaste et cinéphile prends plaisir à encourager la création, d’Indiana Jones à Kurosawa. De plus, Lucas justifie ce choix par l’implication en énergie et temps que cela demande. Se lancer dans une nouvelle trilogie implique dix années de vie, un choix qu’il n'était plus prêt de faire à 69 ans. Une explication plus qu’acceptable mais qui ne justifie que peu la vente de la franchise à Disney, au grand malheur des amateurs, sujet une fois de plus tû durant cette masterclass.






En tant qu’ancien du cinéma, il lui est forcément demander un conseil pour les générations qui le suivraient. Selon lui, l’état d’esprit clé face à l’adversité, c’est la persévérance. Et parce que lutter presque trois ans pour la réalisation d’un seul film ne se fait pas tout seul, celle-ci s'accompagne constamment de la passion. Néanmoins, une certaine amertume se trahit dans ses propos, par la récurrence du sujet de l’inachevé mêlée à la pression de l'industrie. La passion, au cinéma, est-elle toujours suffisante?




Ne profitant finalement que trop peu de l’humour et la sincérité de Georges Lucas ainsi que de l'exclusivité de l’occasion, au profit de questions plus décalées ou actuelles, l’échange laisse sur sa faim et ne fait que ressasser un passé, certes plus qu’admirable mais déjà bien trop connu pour justifier la sollicitation d’une telle figure du cinéma qui s’épuise à répondre aux mêmes questions, encore.





Clara Esslinger

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